Article du Skeptical Inquirer de 1999 sur le subliminal

Ce que chaque sceptique devrait savoir sur la persuasion subliminale

Les Techniques subliminales qui peuvent fonctionner, celles qui ne fonctionnent pas

 

 

Les recherches courantes effectuées en psychologie cognitive suggèrent que les stimulis subliminaux peuvent être perçus et peuvent influencer les états cognitifs de bas niveau des individus. Des recherches plus récentes suggèrent que de tels stimulis peuvent également affecter les processus cognitifs des individus à des niveaux plus élevés, y compris leurs préférences, leurs jugements, et même leur comportement.

Les lecteurs du SKEPTICAL INQUIRER sont bien au fait de l'écart entre la croyance populaire et la science. En dépit d'un manque total de preuves scientifiques, par exemple, beaucoup d'individus croient en l'astrologie (Carlson 1985; Doyen 1987), l'homéopathie (Barrett 1,987), les enlèvements par des extra-terrestres (Carlsburg 1995; Randles 1993; Turner 1994). Ce genre de sujet est un lieu commun pour le sceptique: Il ne peut y avoir de réconciliation entre de telles croyances et la science.

Dans d'autres cas, bien que l'on puisse trouver un certain appui scientifique au sujet, il semble y avoir plus de croyance en la matière que de science. La graphologie, par exemple, qui utilise des échantillons de l'écriture des individus pour déterminer leur personnalité, se targue de bien plus de succès qu'elle ne peut en fournir d'une manière empirique (Nevo 1986; Scanlon et Mauro 1992). On pourrait dire la même chose en ce qui concerne la perception ESP, pour laquelle certaines expériences semblent concluantes (Berne et Honorton 1994; mais voir le Hyman 1994). C'est dans ce genre de domaine que le rôle du sceptique est plus subtil, mais toujours important. Il doit déterminer ce que les faits scientifiques disponibles valident ou ne valident pas. Dans cet article, nous nous sommes fixer comme objectif d'explorer les résultats de la recherche en psychologie en ce qui concerne la persuasion subliminale, un secteur dans lequel la croyance populaire peut encore aller au delà de la réalité.

La persuasion subliminale se comprend comme l'utilisation de stimulis subliminaux, ou de messages présentés sous le niveau de conscience des individus, afin d'influencer leurs attitudes, leurs choix, ou leurs actions. Il n'est pas étonnant que l'affirmation comme quoi des vendeurs sans scrupules aient utilisés cette technique pour influencer le comportement des consommateurs ait historiquement ait sonné l'alerte (cousins 1957; Clef 1980). Cependant comme beaucoup l'ont déjà écrit, une telle panique est probablement infondée: Il n'y a simplement aucune preuve que de tels messages subliminaux cachés dans une publicité puissent influencer au point de choisir entre du Coke ou Pepsi-cola, adopter un point de vue particulier, ou voter pour le candidat Y plutôt que pour le candidat X (Moore 1988; Pratkanis et Greenwald 1988; Trappey 1996; Vokey et 1985).

Nous allons expliqués pourquoi la notion de persuasion subliminale ne peut pas être aussi critiquée que certains ont pu le supposé. Notre point de départ, en particulier, est l'article de Anthony Pratkanis paru dans un SKEPTICAL INQUIRER de 1992 (voir également Moore 1992).Dans son article, Pratkanis a tracé les racines historiques de la croyance sur les pouvoirs de l'inconscient, en dévoilant le canular célèbre de James Vicary "Mangez du Popcorn/Buvez du coke", et en décrivant les résultats d'une partie de ses propres recherches sur l'inefficacité des bandes sonores subliminales.

Nous croyons que l'article de Pratkanis, et d'autres semblables au sien, peuvent avoir donné aux lecteurs une image incomplète de la situation actuelle concernant les stimulis subliminaux. En conséquence, nous allons essayer d'informer les lecteurs du SKEPTICAL INQUIRER sur les utilisations diverses des stimulus subliminaux en recherche cognitive et sociale. Spécifiquement, nous allons passer en revue les expériences prouvant que la connaissance d'une chose puisse se produire sans perception conscience, et que cette connaissance sans perception peut être déclenchée par des stimulis subliminaux, influençant de ce fait les jugements, les attitudes, et même les comportements des individus. En effet, cette découverte récente suggérant que les stimulus subliminaux puissent influencer le comportement nous donne un moyen de juger la possible efficacité de la persuasion subliminale dans la publicité.

Clarifions les Ambiguïtés

La signification exacte du "subliminal" a été une source de polémique et de confusion pendant des décennies. Une définition commune, cependant, est qu'un stimulus est subliminal (c'est-à-dire, au-dessous du seuil de perception) s'il ne peut pas être verbalement identifié (par exemple, Cheesman et Merikle 1986; Fowler 1986, Greenwald et Draine 1997). Le seuil utilisé dans cette définition est celui de la perception consciente, parfois appelé le seuil de subjectivité (Cheesman et Merikle 1986). Cette définition, naturellement, tient compte de la possibilité qu'un individu puisse percevoir qu'on lui a présenté quelque chose, mais sans savoir la nature exacte de ce quelque chose. Presque toutes les études que nous avons passer en revue utilisent cette définition, alors que les autres adhèrent à une définition plus conservatrice: les individus ne peuvent pas se faireécho de la présence du stimulis.

En outre, il y a une distinction sérieuse à faire entre la perception subliminale et la persuasion subliminale. La perception subliminale se réfère simplement à la perception des stimulus qui sont au-dessous du seuil de la conscience.(1) La persuasion subliminale, d'autre part, exige que le stimulus subliminaux provoquent un certain effet, pas simplement sur les jugements de l'individu, mais sur ses attitudes ou son comportement. Comme d'autres l'ont soulignés, la perception subliminale n'implique pas forcément la persuasion subliminale (par exemple, Moore 1988).

Dans cet article, nous limiterons notre discussion aux méthodes utilisant des stimulus subliminaux qui sont bien validées par les recherches. Ainsi, les bandes audio avec des suggestions subliminales "perdez du poids" ou "soyez autoritaire" ne sont pas considérés, ni les messages cachés dans de la musique enregistrée, ou les exemples des messages inclus dans des images (telles que le mot "sexe" incrustés sur des cubes en glace ou des biscuits Ritz). LA RECHERCHE A PROUVE DE FACON CONVAINCANTE QU'AUCUNE DE CES METHODES N'EST EFFICACE - souligné par le traducteur (Greenwald, Spangenberg, Pratkanis, et Eskenazi 1991; Moore 1982, 1988; Pratkanis 1992; Pratkanis et Greenwald 1988; Thorne et Himelstein 1984; Vokey et 1985). Nous nous concentrerons sur les techniques subliminales, par lesquelles des stimulus soint présentés très rapidement, et sont suivis immédiatement d'un "masque," comme une forme géométrique ou des séries de lettres aléatoires. Ce masque est là pour perturber le traitement conscient des stimulus par l'individu - un peu comme en immergeant des pâtes dans de l'eau froide stoppe leur cuisson.(2)


Les processus inconscients: Hors de la vue, mais pas hors de l'esprit

Demandez aux personnes de citer un psychologue et avec peu de variation dans leurs réponses, la plupart citeront Sigmund Freud. Beaucoup de gens pourraient être étonnées d'apprendre, que la psychologie contemporaine n'a que de peu de ressemblance, tant dans la substance que dans la méthodologie, avec le travail de Freud (Stanovich 1992). Ceci étant dit, au moins une idée souvent attribué à Freud – l'inconscient- a fait un retour dans la psychologie cognitive et sociale contemporaine (Bornstein et Pittman 1992; Cohen et schooler 1997; Erdelyi 1996; Greenwald 1992; Kihlstrom 1987; Uleman et Bargh 1989). Les psychologues modernes ne souscrivent pas à toutes les notions de Freud en ce qui concerne l'inconscient; au contraire la notion se rapporte uniquement aux processus mentaux qui se produisent sans la surveillance de la conscience. C'est de cette façon qu'il faudra interpréter l'inconscient dans beaucoup de théories psychologiques contemporaines (Greenwald et Banaji 1995; Wegner 1994).Par exemple, de nombreuses études ont prouvé que des souvenirs qui ne peuvent pas être remémorés consciemment peuvent néanmoins exercer une influence sur une variété de processus mentaux (Schacter 1987). D'autres ont noté que des stéréotypes peuvent être aisément appliqués sans aucun appel à la conscience (Gilbert et Hixon 1991; Spencer, Fein, Wolfe, Fong, et Dunn 1998). En effet, les stéréotypes semblent être le plus aisément utilisés dans les moments où nos capacités conscientes sont les plus limitées (Bodenhausen 1990; Bodenhausen et Lichtenstein 1987; Macrae, Milne, et Bodenhausen 1994).

En outre, les causes déterminant notre comportement - pourquoi nous faisons ce que nous faisons- peuvent également être hors de portée de la conscience. Les gens sont souvent incapables à expliquer les véritables causes de leurs actions et à reconnaître l'importance des stimulus dans celles-ci (Nisbett et Wilson 1977). Dans une expérience, des participants ont eu pour tâche de compléter des phrases contenant un certain nombre de mots liés aux personnes âgées (par exemple, vieux, sage, retraité). Plus tard, une fois l'expérience achevée, ces individus marchaient plus lentement que les participants d'un autre groupe, comme si ils avaient internalisé le concept de "personnes âgées." Aucun d'eux n'a pu identifié le ralentissement de leur vitesse de marche ou la fréquence élevée des mots liés aux personnes âgées dans leur tâche. Le résultat, en ont conclu les chercheurs, était un effet direct d'un processus inconscient sur le comportement (Bargh, Chen, et creuse 1996).(3)

Ainsi, il y a assez de preuves pour démontrer que beaucoup de ce qui se passe dans notre esprit est inaccessible à notre conscience. Il faut noter, cependant, que l'expérience sur les "mots liés aux personnes âgées", ainsi que les recherches sur les stéréotypes, ont utilisés des stimulus qui étaient, ou pourrait avoir été, consciemment perçu. Puisque le souci principal de cet article est l'influence des stimulus subliminaux, nous nous tournerons donc vers le problème de savoir si des stimulus présentés subliminalement peuvent être perçus, bien que restant indisponibles à la conscience.

Nous croyons que les recherches effectuées laissent peu de doute à ce sujet et que la réponse est oui. Beaucoup de chercheurs ont rapporté, par exemple, que des mots présentés subliminalement peuvent influencer nos jugements. Dixon (1981, voir également Epley 1998) a constaté que les participants a qui ont a envoyé subliminalement un mot (par exemple, le mot 'crayon') étaient plus rapides que ceux qui n'avait pas été exposé à ce mot pour identifier plus tard un mot ayant une relation avec celui-ci (par exemple, écrire). De même, Marcel (1983) a constaté que l'identification d'une couleur sur un écran d'ordinateur par des participants a été facilitée quand elle a été précédée subliminalement par le nom de la couleur, mais était retardé quand elle était précédé par le nom d'une couleur différente. Bien que ces études ont été critiquées pour des raisons méthodologiques (Holender 1986; Merikle 1982), des effets semblables ont été constatées dans des expériences utilisant des méthodologies tenant compte de ces critiques (Greenwald Draine, et Abrams 1996; Greenwald et Draine 1997; Merikle et Joordens 1997).

En tout, une douzaines d'études certifient maintenant le fait que des stimulus subliminaux peuvent être perçus (voir Bornstein et le Pittman 1992; Greenwald 1992). Mais peuvent-ils persuader?

Des Fantômes dans la machine: Influences subliminales sur la cognition

Pour beaucoup, la tour Eiffel est un symbole de Paris. Mais ce n'a pas toujours été vrai. Quand sa structure a été construite en 1889, elle était critiquée par beaucoup - un certain nombres de Parisiens ont même souhaités sa destruction (Harrison 1977). De même, les réactions populaires aux nouveaux mouvements artistiques qui depuis sont appréciés, de la peinture impressionniste en passant par la musique rock, étaient au commencement négatives (Sabini 1995).


Comment ces changements de disposition peuvent-ils être compris?

Robert Zajonc (1968) a proposé une réponse, qui propose que « l'exposition seule » mène à aimer: Plus on voit quelque chose, plus on vient à l'aimer. Ainsi, plus les personnes ont été en contact à la tour d'Eiffel, aux peintures de Monet et de Renoir, à la musique d'Elvis et des Beatles, plus ils les ont appréciés.

Les expériences ont démontré que l'effet de « l'exposition seule » est fiable, et, en outre, que le phénomène ne dépend pas de la conscience de cette exposition. Dans une étude où a été utilise des stimulus subliminaux, des participants ont été exposés à plusieurs polygones irréguliers pendant une milliseconde, cinq fois de chaque. Dans une phase suivante de l'étude, on leur a fournit des paires de figures, une qui leu avait été flashée précédemment et une qu'ils n'avaient jamais vue. Les participants ont été alors invités à émettre deux jugements: D'abord quelle figure ils avaient vu, et celle qu'ils aimaient le mieux. Bien que les participants n'aient pas pu déterminer quelle figure ils avaient vue (les résultats ne se sont pas écartées d'un taux de 50 pour cent), les participants ont montré un intérêt accru pour les formes familières, les préférant à 60 pour cent (Kunst-Wilson et Zajonc 1980; voir également l'Epley 1998b; Seamon, marais, et Brody 1984).

D'autres expériences ont généralisé ce résultat. Dans une étude, des participants ont été subliminalement exposés à une photographie d'un des deux garçons choisis comme sujets de la recherche. Plus tard, quand les participants se sont engagés dans une tâche avec les deux garçons impliquant des désaccords entre ces deux-là, ils ont été plus souvent d'accord avec celui dont l'image leur avait été projeté, et  ont également rapporté préférer cet individu davantage à l'autre garçon (Bornstein et autres 1987). La seule exposition mène évidemment à aimer, même lorsque cette exposition est sous le niveau de la conscience.(4)

Dans d'autres recherches, les expérimentateurs ont prouvé que l'exposition subliminale à des mots liés à divers traits de personnalité peuvent influencer la manière dont les gens jugent les autres autour d'eux. En particulier, l'exposition aux mots liés à l'hostilité (Bargh et Pietromonaco 1982), à la bonté, et à la timidité (Bargh, lien, Lombardi, et Tota 1986) s'est avérée produire des jugements correspondants à ces personnalités (c.-à-d., à évaluer d'autres personnes comme étant hostiles, aimable, ou timides).
 

D'autres investigations ont démontré que l'exposition subliminale aux photographies plaisantes ou désagréables peuvent également affecter la manière dont les individus cible sont jugés (Krosnick, Betz, Jussim, et Lynn 1992). Les stimulus présentés subliminalement peuvent également affecter les jugements des individus sur eux-mêmes. Des étudiants 'n psychologie ont été invités à noter trois de leurs idées de projets de recherche possibles. Ils ont été alors exposés à une photographie d'un étudiant familier de leur laboratoire ou un visage de leur conseiller enseignant. Ignorant ce qu'ils avaient vu en dehors des flashes de lumière, les étudiants ont été alors invités à évaluer la qualité des idées qu'ils avaient énumérées. Comme prévu, ceux qui avaient été exposés au visage de leur conseiller enseignant ont évalué leurs propres idées moins favorablement que ceux qui avaient été exposées au sourire d'un étudiant (Baldwin, Carrel, et Lopez 1991).

Une expérience a produit un résultat semblable. Des étudiantes catholiques préparant une licence se sont évaluées plus négativement sur une série d'adjectif concernant leur caractère (par exemple, honête/malhonnête, moral/immoral) après une exposition subliminale à une image du pape, mais pas après une exposition à la photographie du conseiller utilisée dans la première étude. D'ailleurs, cela valait seulement pour les participants qui ont indiqué qu'elles pratiquaient leur religion régulièrement (Baldwin et autres 1991). Ceci suggère que l'effet des stimulus subliminaux sont être tout à fait complexe, dirigé ici en fonction de la réponse personnelle aux stimulus.

Ces études servent à démontrer que les stimulus subliminaux peuvent influencer des processus cognitifs de niveau élevé, y compris des préférences pour des formes géométriques, des individus, des jugements de personnalité, ou sur sa propre personne. Naturellement, pour être utile dans un contexte de consommation, ces effets doivent aller plus loin. En plus de changer les attitudes d'un consommateur, un vendeur désire affecter son comportement. (il ne suffit pas d'aimer Pepsi-cola, on doit aussi en acheter!) Et comme le savent les étudiants en psychologie sociale, l'un ne suit pas nécessairement l'autre: Il y a souvent moins de correspondance entre les attitudes des individus et leur comportements que l'on pourrait le penser (LaPiere 1934; Regan et Fazio 1977; Osier 1969). Par conséquent, nous devons présenter des exemples dans lesquels un stimulus subliminal a influencé le comportement d'individus. Une telle influence a été documentée tout récemment, et seulement une poignée d'expériences existent à l'heure actuelle. Néanmoins, nous trouvons ces expériences intéressantes. Une pleine compréhension sur la possibilité (ou l'impossibilité) de la publicité subliminale justifie leur considération.

Influences subliminales sur le comportement

Les stimulus subliminalement présentés peuvent-ils influencer le comportement? Des investigations récentes suggèrent que la réponse pourrait être oui. Par exemple, Neuberg (1988) a avancé que des stimulus subliminalement présentés peuvent influencer indirectement le comportement, en activant des concepts qui peuvent influencer la manière dont les individus interprètent le comportement de d'autres. Ces interprétations, alors, peuvent mener des individus à opter pour certaines réponses comportementales. Par exemple, si le concept de l'hostilité est activé subliminalement, ce qui fait que les individus croient « lire » de l'hostilité dans le comportement des 'autres, ces individus peuvent alors choisir d'adopter une ligne de conduite hostile envers les autres. Bien que cet effet indirect soit loin du comportement censé être créé par "la publicité subliminale," il représente néanmoins un exemple de stimulus subliminalement présentés affectant le comportement.

Pour évaluer cette hypothèse, Neuberg a confronté des participants avec le "dilemme du prisonnier," un exercice dans lequel les individus doivent choisir de coopérer ou de concurrencer les autres participants (Luce et Raiffa 1957). Dans un premier temps, les participants ont rempli un questionnaires conçus pour évaluer leur inclination à la coopération ou à la concurrence, et ont été exposés subliminalement à des mots neutres (par exemple, la maison, l'eau, le bruit) ou à des mots en rapport avec la concurrence (par exemple, hostile, adversaire). Bien que les messages n'aient pas réussi à influencé le comportement de ceux orienter vers la coopération, les participants prédisposés à la concurrence l'ont fait à un plus grand degré quand ils ont été exposés aux mots relatifs à la concurrence que quand ils ont été exposés aux mots neutres (Neuberg 1988). Plus récemment, Bargh et collègues ont fourni la preuve bien plus parlante que les stimulus subliminaux peuvent influencer le comportement (Bargh et autres 1996; Bargh 1997). Contrairement à la notion de Neuberg d'une influence indirecte sur le comportement, Bargh suggère que les stimulus subliminalement présentés peuvent influencer directement le comportement, que cette influence n'est pas court-circuitée par la conscience et que les résultats fonctionnent à peu près comme un réflexe. Comment cette hypothèse pourrait-elle être mise à l'essai? La recherche précédente a établi qu'exposer des participants blancs aux mots avec stéréotypie liés aux Américains africains tend à activer automatiquement le concept d'hostilité (Devine 1989). Pour découvrir si une telle exposition pourrait également induire un comportement hostile, Bargh et ses collègues (1996) ont demandé à des participants d'accomplir une tâche pénible sur un ordinateur. Sans que les participants ne le sache, l'ordinateur a non seulement administré la tâche mais les a également exposés subliminalement aux photographies de visages de noir ou de blanc.

Puis, après plusieurs épreuves, l'ordinateur leur a présentée un message d'erreur - "erreur F 11: données en échec "- et les a informé qu'ils devaient recommencer la tâche.

Les réactions des participants à ces évènements ont été enregistrées en vidéo en utilisant un appareil photo caché et ont été évaluées par les juges (qui étaient ignorants de l'expérience sur les participants) pour déterminer la profondeur de la colère de ceux-ci. Les résultats ont indiqué que ceux exposés aux visages noirs ont en effet répondu d'une façon plus hostile et plus frustrée que ceux exposés aux visages blancs.

Dans une prolongation de ce travail, Chen et Bargh (1997) ont exposé des participants aux photographies de visages noirs ou blancs et leur ont demandés de jouer un jeu avec un autre participant qui n'avait vu aucune photographie. En comparant avec les estimations fournies avec le second groupe, ceux du premier groupe ont indiqué de nouveau une plus grande hostilité quand on leur avait présenté des visages noirs plutôt que des visages blancs. En effet, ces participants ont répondu à l'hostilité des participants au jeu par leur propre hostilité, permettant aux observateurs extérieurs de les juger comme plus hostiles quand ces participants avaient été exposé aux visages noirs, plutôt qu'aux blancs.

En conclusion, ces preuves directes des influences subliminales sur le comportement permet également aux neuropsychiatres d'en tirer profit en ce qui concerne les avancés récentes en matière d'imagerie du cerveau. Par exemple, après que des participants aient appris à répondre à un nombre impair avec leur main droite et à un chiffre pair avec leur gauche, la présentation subliminale d'un nombre (impair) produit l'activation corticale dans l'hémisphère correspondant du cerveau (gauche ou droit). Cette activation est située dans le cortex , le secteur du cerveau chargé de contrôler les mouvements (Dehaene et autres 1998).

Ces expériences soulèvent plus de questions que de réponses. Quels sont exactement les mécanismes qui permettent les stimulus subliminales d'influencer le comportement ? Est-ce que le processus est indirect, selon Neuberg (1988), ou direct et incontrôlé, selon Bargh et ses collègues (1996) ou les deux à la fois ? En outre l'importance et la généralisation de ces effets n'ont pas encore été étudiés. Des affirmations extraordinaires exigent des preuves extraordinaires, et les preuves que nous avons passée en revue dans cette section ne sont pas encore à ce niveau. Le sujet reste ouvert, et nous attendons ardemment les résultats de futures investigations.

Que Diriez-vous de La Publicité Subliminale?

Pour certains, la base de recherche sur la persuasion subliminale est, bien définie – savoir si les effets des stimulus subliminaux peuvent être utilisés dans le domaine commercial. Bien que nous hésitions à conclure, nous notons que plusieurs des critiques concernant la publicité subliminale ont été levés par la recherche scientifique. En particulier, des stimulus subliminaux peuvent influencer des processus cognitifs de haut niveau, et, dans certains cas, peuvent même influencer le comportement. Néanmoins, beaucoup restent sceptiques (Moore 1982, 1988, 1992; Pratkanis 1992; Pratkanis et Greenwald 1988), et il est facile de le comprendre. Dans chacune de ces études que nous avons passé en revue, il a été apporté une attention particulière à ce que les conditions aient été parfaites: Les participants étaient assis à des distances précises de l'écran vidéo ou de l'ordinateur, leur attention étaient tournée dans la bonne direction, juste au bon moment, et ils étaient protégés au maximum de stimulus étrangers. Il est difficile d'obtenir de telles conditions dans la vraie vie. En outre, l'influence de faibles stimulus subliminaux est susceptible d'être contrecarrer par de forts stimulus accaparent déjà notre attention (Moore 1982).

Les phénomènes que nous avons passés en revue peuvent être vue comme des produits cultivés en serre, des expériences de laboratoire, des fleurs sensibles qui se faneraient facilement dans l'environnement difficile du commerce. Même si c'étaient le cas, cependant, nous nous empressons de préciser qu'il ne défierait pas la validité de base des études que nous avons présentées dans cet article (Mook 1983). Cela relève plutôt du défi d'appliquer ce qui a été prouvé en laboratoire au comportement du consommateur. D'ailleurs, en dépit d'un manque de preuves en ce qui concerne l'application des messages subliminaux à la publicité, nous suggérons qu'il n'y a aucune raison à ce que de
telles applications ne soient pas possibles.

Nous n'offrons donc aucune conclusion concernant la plausibilité ou l'efficacité de la publicité subliminale; nous proposons seulement qu'elle pourrait, en fait, être possible, et nous mettons au courant nos lecteurs des recherche empiriques effectuées. Affirmer qu'il est impossible pour des stimulus subliminaux d'influencer le comportement – et même le comportement du consommateur - serait, donc prématuré.

Remerciements

Nous remercions Steven Fein, Thomas Gilovich, Justin Kruger, Dennis Regan, et Leaf Van Boven de leurs commentaires utiles lors de la rédaction de cet article.