France: Un décès malgré toutes les techniques non transfusionnelles mise en place

Merci à Matthieu Cossu pour l'information

Charlie Hebdo 18 septembre 2002 par Sylvie Coma

"Cette fois-ci, nous n'avons pas eu de déboires judiciaires. Nous avons respecté la volonté du patient : il est mort. "

Voici, cliniquement résumée par un néphrologue de la région lyonnaise, l'histoire d'un Témoin de Jéhovah, décédé cet été pour avoir refusé une transfusion sanguine, après une transplantation rénale.

Passant volontairement sous silence l'émotion qui a régné dans son service pendant les dix jours d'agonie du patient, le médecin choisit aujourd'hui d'exposer froidement le problème auquel l'équipe médicale s'est trouvée confrontée. Le Témoin de Jéhovah refusant catégoriquement de se laisser transfuser, le personnel hospitalier s'est retrouvé pris en tenaille entre la nouvelle loi Kouchner du 4 mars 2002, qui stipule qu'"aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne", et l'obligation qu'a tout médecin de porter assistance à personne en danger.

Pendant dix jours, donc, les membres du service de transplantation rénale se sont succédés au chevet du malade pour essayer de le convaincre.
Peine perdue : "le sang est le siège de l'âme" et le mourant est déterminé à ne pas enfreindre les préceptes de la Bible.

Au pied du lit, aux côtés de l'épouse et des enfants, également adeptes de la secte, " une espèce de gourou " bombarde l'équipe soignante de directives médicales. " Cet homme directement envoyé par la congrégation pour prodiguer ses conseils techniques, est un responsable local du Comité de liaison hospitalier (CHL) ", témoigne un ancien adepte. " Les CHL sont des équipes spécialement formées en communication sur la question du sang et chargées de faire du lobbying auprès des professionnels de la santé. Campagnes, conférences, périodiques... L'organisation est dirigée depuis New York, par une dizaine de gérontes. Sous couvert d'un pseudo-habillage scientifique, où ils invoquent les risques liés aux transfusions sanguines, ils infiltrent le milieu médical et rendent les médecins, à leur corps défendant, complices d'un conditionnement mortel. " En 2000, le Bureau d'information des Témoins de Jéhovah de Louviers lançait une vaste campagne sur le thème "Médecine et chirurgie sans transfusion" :
20 millions de brochures, prônant le refus systématique de toute transfusion sanguine, sont distribuées en quelques semaines et 21 conférences "scienttifiques" sont organisées en France. Des médecins y participent. La revue de la secte, Réveillez-vous, affirme alors : " plus de 90 000 médecins dons le monde ont fait savoir qu'ils étaient disposés à soigner les Témoins de Jéhovah sans avoir recours au sang ".

"En tout cas. en ce qui nous concerne, conclut le néphrologue de l'hôpital lyonnais après la mort de son patient, pour respecter l'interdit divin, nous avons épuise toutes les thérapeutiques substitutives imaginables et avons été obligés de maintenir des techniques invraisemblablement coûteuses et totalement inutiles. C'est comme si on avait essayé d'éteindre un incendie avec tout, sauf de l'eau."