Les Désaccords Sur l’Évolution

Alain Feuerbacher


Introduction

Tout le long de son histoire la Société Watchtower a publié des livres sur la création et l'évolution. Elle a éditée deux livres, plusieurs livrets et de nombreux articles de magazine donnant son interprétation du compte-rendu de la création de la Genèse en essayant de réconcilier ce compte-rendu avec les connaissances scientifiques. Puisque le magazine La Tour de Garde a commencé à être publié en 1879, les points de vue de la Société ont changé profondément, [1] souvent en réponse à de nouvelles et indiscutables découvertes scientifiques qui sont devenus une partie de notre connaissance commune.

Le fil commun de tout ces points de vue changeant,  réside dans le fait que Dieu a tout créé dans l'univers de la façon dont la Genèse le décrit et donc que la théorie de l'évolution doit être une fausse explication de l’apparition de la vie sur  terre. Le dernier livre de la Société sur le sujet, La vie Comment est-elle apparue ? Évolution ou  Création ? [2] est une tentative de montrer comment un ensemble de connaissance que la Société sous-entend être "la vraie science" est en accord avec le compte-rendu de la Genèse et avec la Bible en général. Le livre sera généralement mentionné ici comme "Création". Tandis qu'il développe un certains nombre de bons arguments en faveur de la création et contre l'évolution, beaucoup d’arguments ne démontrent pas ce qu'ils prétendent prouver ou négligent des faits appropriés. [3] A la page 9 de ce le livre est proposé un principe excellent de l’exemple type du bonne argumentation :

Par rapport aux questions liées à l'origine de vie, les modes ou les émotions changent. Pour éviter cela et arriver à des conclusions précises, nous devons considérer les faits avec un esprit ouvert.

Pour considérer les faits avec un esprit ouvert, il faut considérer tous les faits. On ne peut pas débattre comme si on faisait une critique littéraire, choisissant "parmi des faits et des théories qui soutiennent un point de vue préexistant ... ou en tordant tout ce qui ne s’y adapte pas, ou simplement en les oubliant." [4] Comme cet essai va le faire comprendre, la Société et le livre Création en particulier débattent souvent comme des critiques littéraires. Le livre Création fait peu de déclarations qui soient complètement incorrectes, mais souvent  elles sont triées ou à demi-correctes. Ce livre est rempli de passages intelligemment exprimés, d’erreurs subtiles et de phrases qui poussent le lecteur à tirer de fausses conclusions ou de faux avis.

L’étude suivante de beaucoup des arguments du livre Création peut sembler assez chicaneuse et les explications données peuvent être difficile à suivre, mais l'effet globale que produisent ces distorsions sur un lecteur, page après  page, est assez sérieux pour l'exiger. Beaucoup de lecteurs du livre Création considèrent son éditeur, la Société Watchtower, comme étant littéralement "le canal de communication qu’utilise Dieu" pour l'humanité. Ils doivent être pratiquement noyés sous toutes ces distorsions avant qu'ils n'en écoutent la critique.

Cet essai n'essaye pas de répondre à la question de savoir de qui  de l'évolution ou de la création est "la vraie" explication de l'origine de la vie. Au lieu de cela il explore quelques secteurs comme celui de déterminer comment la Bible et la science conviennent de ces questions et de leurs contacts sur les questions concernant le développement de la vie depuis son apparition sur terre. Particulièrement il montre comment la Société ne réussit pas à présenter les preuves appropriées en essayant de défendre sa position, comme par exemple sur l’idée que le compte-rendu de la création tel qu’il est décrit dans la Bible est historique, ou sur d’autre point comme quoi la Bible et la science sont d'accord. Par exemple, cet essai présente des données géologiques montrant comment la Genèse et la science sont en désaccord sur l'ordre des événements de la création et il montre comment les publications scientifiques et les données des registres fossiles diffèrent souvent de ce que la Société prétend en tirer.

En général, le livre Création présente une image incomplète et déformée des découvertes géologiques et sur ce que les évolutionnistes déclarent. Un journal qui a passé en revue ce livre a déclaré [5]

L'auteur anonyme ou les auteurs … de ce livre font non seulement des citations hors contexte, mais ils ne réussissent également pas à montrer au lecteur que des mots, des expressions et des clauses ont été omis de ces citations.

Plus loin, Il a fait cette remarque :

On peut faire une distinction supplémentaire entre le livre de la Société et le Créationnisme Scientifique [Henry Morris, de l'Institut pour la Recherche sur la Création] qui mérite d’être critiquée. Comme noté ci-dessus nous constatons que les citations de savants des diverses disciplines scientifiques sont par habitude prises hors contexte. Le résultat qui en découle, c’est que des scientifiques comme Eldredge, Gould, Jastrow, Johanson, Mayr, Ruse, Stanley et Wald, pour en nommer quelques-uns, semblent au lecteur naïf rejeter tous les aspects de la théorie de l’évolution. Le modèle de traitement de ces citations ressemble à celui de Morris; cependant, la Société va un pas plus loin. Ce n'est pas peu commun de voir des mots ou des expressions complètement omises et n’étant même pas signaler par l'utilisation de périphrases.

Dans son essence, le livre Création essaye de convertir les arguments des scientifiques sur les modèles et les processus des changement évolutionnistes en des arguments critiquant l'existence même de ces changements. Beaucoup d'autres publications de la Watchtower sont également fautives pour ce qui est de coller aux faits ou aux intentions de l'auteur qu'ils citent. De façon intéressante, le livre de 1967  Comment l'homme est-il apparu ? Par l'Évolution Ou Par la Création ? déforme beaucoup moins les commentaires des scientifiques que ne le fait le livre Création. Il est triste que les standards plus élevés de ce livre plus ancien n'aient pas été suivis.

Les Désaccords sur l’Évolution

Dès son commencement le livre Création détourne les documents qu'il cite vers ce qu’ils ne veulent pas dire. Dans le chapitre 1, la page 9, le paragraphe 6, il cite Charles Darwin :

Il est intéressant de noter, que même l'avocat le mieux connu de l'évolution, Charles Darwin, a indiqué consciencieusement les limitations de sa théorie. Dans sa conclusion du livre l'Origine des Espèces, il a écrit sur la splendeur "de la vision de la vie, avec ses différents ordres, ayant été insufflés à l’origine  par le Créateur sous différentes formes ou une seule », et démontrant ainsi que le sujet sur nos origines était ouvert à plus de débats.

Cette citation semble assez innocente, mais elle déforme complètement ce que Darwin a voulu dire. La façon dont Darwin est cité, semble donné l’impression qu’il louait la splendeur de la vie, quand en réalité il louait la splendeur de la vue évolutionniste de vie. C'est aisément décelable dans la citation complète : [6]

Il est intéressant de contempler une image diversifiée, de beaucoup de plantes de différentes sortes, avec des oiseaux chantant dans les buissons, avec des insectes variés voletant, des vers rampant dans la terre humide et de voir que ces formes minutieusement construites reflètent, en étant si différentes l'une de l'autre et interdépendantes  l'une de l'autre d’une façon si complexe, qu’elles ont été toutes produites selon des lois agissant autour de nous. Ces lois, prises dans le plus grand sens, étant la Croissance et la Reproduction, l’hérédité qui est presque impliquée par la reproduction, la variabilité de l'action indirecte et directe des conditions de vie: un ratio de croissance si élevé qu’il mène à une Lutte pour la survie et a comme conséquence une Sélection naturelle, entraînant des caractéristiques divergentes et l'Extinction des formes les moins évoluées. Ainsi, à partir de la guerre de la nature, de la famine et de la mort, l'objet le plus glorifié que nous sommes capables de concevoir, à savoir, l’apparition des animaux les plus élevés, en est une conséquence directe. Il y a de la splendeur dans cette vision de la vie, avec ses différents ordres, ayant été insufflés à l'origine par le Créateur sous différentes formes ou une seule; et cela, pendant que cette planète suit son cycle selon la loi de la gravité, partant de formes émergentes si simples, les plus belles et les plus merveilleuses ont été et sont développés.

La citation du livre Création  tente de faire croire que Darwin avait des réserves sur sa théorie, quand en fait, il était simplement prudent pour ne pas exagérer sa théorie basée sur les données qu’il avait été capable de rassembler. C'est très clairement évident des déclarations précédentes du chapitre cité.

En citant de nombreux scientifiques dans le chapitre 2, Création essaye de montrer que "l'évolution" n'est pas un fait et est sérieusement critiquée par beaucoup de scientifiques. Par exemple, la préface cite  un biologiste présumé déclarant : [7]

Comme nous le savons, il y a une grande divergence d'opinions parmi les biologistes, non seulement sur les causes de l'évolution, mais aussi sur le processus en lui-même. Cette divergence existe parce que les preuves ne sont pas satisfaisantes et ne permettent pas de conclusions probantes. Il est donc raisonnable et approprié de tirer l'attention du public non-scientifique sur les désaccords sur l'évolution.

Remarquez que l'auteur n'a pas dit que les opinions des biologistes diffèrent sur le fait de savoir si l'évolution a eu lieu ou non. Les opinions divergentes se concentrent sur les causes et le processus - autrement dit, sur comment cela est arrivé, pas si cela  est vraiment arrivé. Il y a peu de scientifiques qui se demandent si l'évolution est vraiment arrivée, malgré ce que le livre Création tentent de sous-entendre.

L’introduction de la page 15, sous le sous-titre "l'Évolution subit des attaques," aux paragraphes 4 à 9 présente une variété de citations destinées à faire croire au lecteur que la théorie de l'évolution n’est  pas valide et que c'est pour cela qu’elle "subit des attaques." Il est fortement sous-entendu que l'évolution, ne s’est jamais produite en réalité. Tandis qu'il est certainement vrai que le mécanisme de l’évolution avancé par Darwin est fortement mis en doute, ce mécanisme est seulement une des possibilités parmi beaucoup d’autres qui on été proposées pour expliquer sur ce que pratiquement tous les scientifiques sont d'accord,  c’est à dire le fait de l'évolution,  que les différentes variétés de formes de vie qui ont existé à un moment donné ont graduellement changé. De nouveau, le débat est sur la manière dont l’évolution a eu lieu, pas sur le fait de savoir si elle a eu lieu. Plus tard nous discuterons de tout cela en détail.

La tactique du livre Création est clairement visible au paragraphe 4 quand il cite le magazine Discover : [8]

Le magazine scientifique Discover  a résumé la situation de cette façon : "l'Évolution … est non seulement attaquée par les chrétiens fondamentalistes, mais elle est aussi mise en doute par d’honorables scientifiques. Parmi les paléontologues, les scientifiques qui étudient les enregistrements fossiles, il y une augmentation des désaccords." [9]

Mais Discover n’affirmait pas que l'évolution était en question. Comme nous l’avons montré ci-dessus, beaucoup de scientifiques mettent en doute le mécanisme de la sélection naturelle, c'est-à-dire, le Darwinisme, comme étant  l’explication principale de l'évolution, mais pas le concept général de l'évolution en lui-même et c’est de cela  que Discover  parle. La citation complète le démontre très clairement :

La brillante théorie de l'évolution de Charles Darwin, publiée en 1859, a eu un impact stupéfiant sur la pensée scientifique et religieuse et a pour toujours changé la perception que l'homme a de lui-même. Maintenant cette théorie sanctifiée est non seulement attaquée par les chrétiens fondamentalistes, mais est aussi mise en doute par d’honorables scientifiques.

Parmi les paléontologues, les scientifiques qui étudient les registres  fossiles, il y a une augmentation des désaccords sur la vue dominante du Darwinisme …

La majorité des débats se concentrent sur une question clef : Le processus évolutif de trois milliard d’années avance-t-il à une allure stable, ou est-il marqué par de longues périodes d'inactivité ponctuée par de courts éclats de changement rapide ? L’évolution est-elle une tortue ou un lièvre ? La vision de Darwin largement acceptée - que l’évolution progresse lentement , en rampant - favorise la tortue. Mais deux paléontologues, Niles Eldredge du Musée américain d'Histoire naturelle et Stéphane Jay Gould de Harvard, parient sur le lièvre.

Dans sa tentative d'obscurcir la distinction entre l'évolution et le Darwinisme, le paragraphe 4 cite ensuite Françis Hitching, " un évolutionniste et l'auteur du livre le Cou de la Girafe," qui déclare « qu’en tant que norme du monde scientifique sur  le grand principe d'unification de la biologie, le Darwinisme, après un siècle et quart, rencontre une somme surprenante d'ennui." [10]

Si le livre création avait aussi cité le paragraphe  immédiatement après celui qu'il cite, cela aurait donné une impression toute différente au lecteur : [11]

L'évolution et le Darwinisme sont souvent pris pour la même chose. Mais ils ne le sont pas. L'évolution de la vie sur une très longue période de temps est un fait, si nous devons croire les preuves réunies pendant les deux derniers siècles en géologie, paléontologie, biologie moléculaire et beaucoup d'autres disciplines scientifiques. Malgré cela beaucoup de partisans de la création Divine critique ce fait …, la probabilité que l'évolution soit arrivée s’approche de la certitude en termes scientifiques … D'autre part le Darwinisme (ou le néo-darwinisme, sa version moderne) est une théorie qui cherche à expliquer l'évolution. Elle n'a pas, contrairement à la croyance générale et malgré de très grands efforts, été prouvé.

Il est difficile de croire que l'auteur du livre Création ait pu en réalité lire Hitching et manquer de lire le paragraphe suivant de sa citation. Présenter Hitching comme rejetant l'évolution est malhonnête. Tandis qu'une édition ultérieure du livre Création a supprimée la déclaration de la revue Discover, (voir la note en bas de page) le fait d’avoir laissé la citation déformée de Hitching montre que l'auteur a voulu conserver son idée principale à savoir que l'évolution et non juste le Darwinisme, est attaquée par beaucoup de scientifiques. Sinon la nouvelle édition  aurait du changé le titre de la page 15, "l'Évolution subit des attaques,"  par "le Darwinisme subit des attaques," et aurait alors du supprimés plusieurs autres citations de cette partie.

La citation de Hitching illustre un autre problème du livre Création:  citer des auteurs qui n'ont aucune position scientifique comme s'ils étaient des autorités. Nous rencontrerons de nouveau Hitching au cours de notre voyage, puisque Création le cite directement au moins treize fois. Le livre le cite en réalité plusieurs autres fois, mais sans le signaler. Nulle part, ce livre  n’expose le parcours scientifiques  de Hitching et un peu de recherche montre qu'il n'a aucune position dans le monde scientifique . Il a prétendu être un membre de l'Institut Archéologique Royal, mais une enquête auprès de cet institut a montré qu'il ne l'était pas. Il a déclaré dans la partie consacrée  aux "Remerciements" dans son livre Le Cou de la Girafe que le paléontologiste Stéphane Jay Gould l’avait aidé dans l'écriture du livre, mais en enquêtant auprès de l’intéressé, Gould a déclaré qu'il ne le connaissait pas et n'avait aucune information sur lui. Le Zoologiste Richard Dawkins de l'Université d'Oxford a été aussi cité par Hitching pour avoir prêter sa main pour l’écriture de son livre, mais interviewé Dawkins a déclaré : " Je ne connais rien sur Françis Hitching. Si vous découvrez le fait qu'il est un charlatan, tant mieux pour vous. Son livre, le Cou de la Girafe, est un des plus bêtes et des plus ignorant que j'ai lu depuis des années. "Les auteurs de  Création semblent ne pas avoir découvert de références scientifiques pour Hitching, ils se réfèrent à lui en le présentant comme étant " l'évolutionniste Hitching. "

Nous avons vu ce que Françis Hitching n'est pas, mais qui est il ? Il s'avère qu'il est écrivain et croit au paranormal. Il a écrit sur l'énergie des pyramides Mayas et pour quelques épisodes de l’émission TV de la BBC "A la Recherche de …"  (semblable aux émissions sensationnalistes "des Mystères Non résolus" de la télévision américaine). Il accepte apparemment l'évolution, mais croit qu'elle est dirigée par une sorte de force cosmique. Le travail de référence, Contemporary Authors, Vol. 103, la page 208, l'inscrit comme un membre de la Société pour la Recherche Psychique, la Société Britannique des Radiesthésistes et la Société américaine des Radiesthésistes. Son oeuvre inclue : Earth Magic; Dowsing: The Psi Connection; Mysterious World: An Atlas of the Unexplained; Fraud, Mischief, and the Supernatural and Instead of Darwin

Le Cou de la Girafe passe beaucoup de temps à attaquer l'évolution Darwinienne, empruntant énormément et pas de façon critique aux arguments des créationnistes partisans de la jeunesse de la terre- (ils croient que le compte-rendu de la Création dans la jeunesse s’est produit en six jours de 24 heures ). Il est apparent que plusieurs "des références" de Hitching sont tirées de la littérature créationniste "en six jour de 24 heures"  plutôt que tirées des citations directe des sources originales. Cela est visible car Hitching fait exactement les mêmes erreurs que les créationnistes sur les citations qu’il utilise (voit un exemple ci-dessous). Un magazine a déclaré à propos  de Hitching : [12]

En parlant de la Société de la Création Biblique, il y a une lettre intéressante dans le numéro de Janvier 1983 de leur journal la Création Biblique (p. 74) concernant un examen du livre de Françis Hitching de 1982, le Cou de la Girafe. Le livre de Hitching est fortement anti-Darwin et est salué avec enthousiasme par la plupart des créationnistes (quoiqu'il taquine aussi les créationnistes fondamentalistes). La lettre, de Malcolm Bowden créationniste (l'auteur deThe Rise of the Evolution Fraud ), signale qu’Hitching a simplement " tirés ses informations de la littérature créationniste." C'est en effet le cas : beaucoup de travaux des créationnistes sont cités favorablement (Anderson, Coffin, Clark, Daly, Davidheiser, Dewar, Gish, Morris, Segraves, Whitcomb et Wysong, plus d’autres anti-Darwinistes ). Hitching cite le livre précédent de Bowden - Ape-Men — Fact or Fallacy?, Bowden l’accuse  "de tirer" plusieurs passages et illustrations de son livre sans le mentionner : autrement dit de plagiat. "le livre de Hitching (sic) est en grande partie une démonstration du point de vue des créationnistes [sic] du commencement jusqu’à quasiment la fin," signale Bowden … Hitching est aussi versé dans le paranormal, un avocat de l'évolution psychique … [le livre de Hitching] la Magie de La terre est une interprétation, extrêmement amusante et spiritualisée des structures mégalithiques … Hitching inclut aussi dans ses exposés les cataclysmes cosmiques, l’Atlantide, la pyramidologie, la recherche des sources d'eau, et l’ESP, les guérisons miraculeuses et l'astrologie.

Quand le livre Création cite Françis Hitching, que le lecteur prenne donc garde.

Création consacre ensuite deux paragraphes entiers, le 7 et le 8, à l’avis d'un journaliste de presse. Cet auteur ne présente aucune citation scientifique et donc son avis n’a pas plus de valeur qu'un autre non-spécialiste. Le paragraphe 9 cite de nouveau Françis Hitching, qui utilise son style habituel. Le paragraphe cite alors un magazine de science pour lequel la théorie de Darwin, et pas l'évolution, pose problème.

Les paragraphes 10 à 13 citent plusieurs fois  l’astronome Robert Jastrow, d'une telle façon que cela fait croire que Jastrow a de sérieux doutes sur l'évolution. Les paragraphes 11 et 12 parlent des difficultés de se représenter l'évolution de l'oeil puis les paragraphes 12 et 13 déclarent :

Ainsi Jastrow a déclaré : "l'oeil semble avoir été conçu; aucun concepteur de télescopes n'aurait pu obtenir un tel succès.

S’il en est ainsi de l'oeil, que peut-on dire du cerveau humain ? Puisque même une machine simple ne se développe pas par hasard, comment peut-il en être ainsi pour le cerveau infiniment plus complexe ? Jastrow en a conclu : "il est dur d'accepter l'évolution de l'oeil humain comme un produit du hasard ; il est même plus dur d'accepter l'évolution de l'intelligence humaine comme le produit de ruptures aléatoires dans les cellules cérébrales de nos ancêtres."

Mais il n’est pas dit  au lecteur que, tandis que Jastrow exprime certaines réserves philosophiques sur le mécanisme de l'évolution et même sur plusieurs questions fondamentales comme l'origine et le but de la vie, il n'a pas le plus léger doute sur le fait que l'évolution se soir produite. La citation suivante donne quelque saveur à la discussion de Jastrow. Faisant des remarques sur les déclarations  de Darwin à propos de l'oeil, il a écrit : [13]

Beaucoup de personnes aux jours de Darwin étaient d'accord avec le théologien William Paley, qui faisait remarqué, "qu’il ne peut pas y avoir de conception sans concepteur." … Les enregistrements fossiles indiquent que au moment où les dinosaures ont disparu, les petits mammifères se sont développés pour former les baleines, les éléphants et quantités d'autres formes d’animaux, mais personne n'a jamais vu un minuscule animal se métamorphosant en baleine ou en éléphant. Les preuves de ces transformations extraordinaires sont indirectes et enfouies dans les enregistrements fossiles … Et finalement, la chance a joué son rôle. Si Darwin disait vrai, l'homme a surgi sur la terre comme le produit d'une succession d'événements fortuits se produisant durant les quatre dernier milliard d'années. Cela peut-il être vrai ? Est-ce qu'il est possible que l'homme, avec ses capacités remarquables tant intellectuelles que spirituelles, a été formé de la poussière de la terre par le seul hasard ? Il est difficile d'accepter l'évolution de l'oeil humain comme le produit de la chance; il est encore plus dur d'accepter l'évolution de l'intelligence humaine comme le produit de ruptures aléatoires dans les cellules cérébrales de nos ancêtres …

Mon propre point de vue sur cette question reste un point de vue agnostique et proche de celui de Darwin … Cette succession d'événements menant à l'homme, avec son cheminement précis, a t-il pu être encore sans intervention externe ? Les scientifiques ont tendance à estimer qu'ils connaissent la réponse à cette question, mais leur confiance en la perfection de leur connaissance ne peut pas être justifiée.

D'un autre côté, la foi scientifique dans la véracité de l'évolution semble être correcte. Les indices fossiles à l'appui de l'évolution sont maintenant assez nombreux … Comme avec tous les faits historiques, les preuves des origines animales de l'homme sont épisodiques, mais leur accumulation est accablante. L’évolution ne fait pas de doute.

Si ce long processus, culminant à l'homme, est l'expression d'un plan ou d’une finalité dans l'Univers me semble être une question au-delà de la portée de la compréhension humaine, ou au moins au-delà de la portée de la science. Les scientifiques ont une façon intéressante de parler de la suite d'événements menant à la création de l'homme, mais, comme avec les questions sur le commencement et l’aboutissement de l'Univers, sur les plus grandes questions comme le plan et la finalité, la science n'a aucune réponse.

Le paragraphe 12 donne aussi une impression fausse de ce que Darwin a dit sur l'évolution de l'oeil :

Darwin a reconnu le problème. Par exemple, il a écrit : "supposer que l'oeil … puisse avoir été formé par [l'évolution], semble, je l'avoue  librement, absurde au plus haut point.

Ce que Darwin a voulu dire était en fait que tandis que la compréhension de la manière dont l'oeil a pu se développer semble difficile, sa théorie pouvait quand même l’intégrer : [14]

Supposer que l'oeil avec toutes ses adaptations inimitables comme le réglage suivant les distances, suivant les quantités différentes de lumière, la correction des déformations sphériques et chromatiques, puisse avoir été formé par la sélection naturelle, semble, je l'avoue librement, absurde au plus haut point. Quand il a été affirmé que le soleil était fixe et que la terre tournait, le bon sens de l'humanité a déclaré cela comme une fausse doctrine;  le vieux dicton Vox populi, vox Dei, comme chaque philosophe le sait, ne peut pas avoir confiance en la science. La raison me dit, que si on peut montrer de nombreuses étapes d'un oeil simple et imparfait à un œil complexe et parfait, chaque catégorie étant utile pour son propriétaire, comme c’était certainement le cas; si après, l'oeil ne varie plus et les variations sont acquises, comme c’est aussi certainement le cas; Et si de telles variations sont utiles pour des animaux lors de changement des conditions de vie, alors la difficulté de croire qu'un oeil parfait et complexe puisse être formé par la sélection naturelle, quoique insurmontable par notre imagination, ne doit pas être considérée comme contraire à ma théorie.

Cela pourrait être comparé à la tentative d'expliquer le vol d'un avion de ligne à un groupe de Romains. Il est ridicule de penser qu’un Boeing 747, pesant plusieurs tonnes, puisse se soulever de la terre seulement grâce à la force de l'air et, que cette exploit s’accomplit en aspirant l'air d’un côté pour le rejeter  de l’autre! Après avoir bien rit ils vous jetteraient aux lions. On connaît généralement ce type d'argument par le nom de"réfutation par manque d'imagination."

Le raisonnement du dessus montre que, tandis que les scientifiques ne sont pas d'accord sur les mécanismes de l'évolution, ils reconnaissent que l'évolution, dans un sens général, s’est bien produite. Le mécanisme de la sélection naturelle n'est pas la même chose que l'évolution. Cependant, le livre Création a décidé que ses lecteurs ne connaîtraient pas la différence. Les paragraphes 14 et 15 citent David M. Raup, conservateur du Musée géologique  de Chicago, qui écrit dans son Bulletin :

Des millions d'os et d'autres traces de vie passée ont été déterrés par les scientifiques et on les appelle des fossiles. Si l'évolution était un fait, on devrait trouver dans tous çà une preuve suffisante de transformation d’un être vivant en une autre sorte. Mais le Bulletin du Chicago’s Field Museum of Natural History  a fait ces remarques : "la théorie de [l'évolution] de Darwin a toujours été étroitement liée avec les données  fossiles et probablement la plupart des personnes supposent que les fossiles fournissent une partie très importante de l'argumentation générale en faveur des interprétations darwiniennes de l'histoire de la vie. Malheureusement, ce n'est pas strictement vrai."

C'est une déformation flagrante et délibérée de ce que Raup a dit. Notez que le mot "[l'évolution]" a été inséré dans la citation. Les mots originaux étaient ici : "la théorie de Darwin de la sélection naturelle a toujours étroitement liée avec les données fossiles …" Création  fait croire que les déclarations de Raup concernant le mécanisme de la sélection naturelle s'appliquent en réalité à l'évolution au sens général. Immédiatement après la déclaration que nous venons de citer, l'article de Raup a déclaré : [15]

Nous devons distinguer entre le fait de l'évolution - défini comme le changement des organismes dans le temps - et l'explication de ce changement. La contribution de Darwin, par sa théorie de la sélection naturelle, était de suggérer la manière  dont le changement évolutif a eu lieu. Les indices que nous trouvons dans les registres géologiques ne sont pas aussi compatibles avec la sélection naturelle darwinienne que nous voudrions qu’elles soient. Darwin était tout à fait conscient de cela. Il était embarrassé par les registres fossiles car ils ne correspondaient pas à la voie qu'il avait prévue et, en conséquence, il a consacré une longue section de son livre l’Origine des Espèces à une tentative d'expliquer et de rationaliser les divergences. Il y avait plusieurs problèmes, mais le principal était et reste que les registres géologiques ne rapportent pas toujours une chaîne continue et graduelle d' une évolution lente et progressive. Autrement dit, il n'y a pas assez d'intermédiaires.

Le paragraphe 15 n’a cité qu’une partie de ce texte, mais juste assez pour donner l'impression qu'il n'y a aucun intermédiaire. Mais Raup continue :

Il y a très peu de cas où l’on peut trouver une transition graduelle d'une espèce à une autre et très peu de cas où l’on peut observer dans les registres fossiles et y voir en réalité les organismes s'améliorer dans le sens d’être mieux adaptés.

Remarquez que Raup n'a pas déclaré il n'y avait aucun cas, mais qu'il y avait très peu de cas. Nous aborderons ces cas plus tard. Pour le moment, les déclarations de Raup sont suffisantes : [16]

Au lieu de découvrir un déploiement graduel de la vie, les géologues du temps de Darwin et les géologues actuels trouvent en réalité des registres fossiles fortement inégaux ou saccadés; c'est-à-dire une espèce apparaît dans la séquence très soudainement, montre peu ou pas de changement durant son existence dans les registres, puis disparaît brusquement des registres …

Ce que Raup signifie, de nouveau, c’est que bien qu’il y ait très peu d'exemples de changement graduel, il y en a toujours certains. Cela diffère des affirmations de  Création. On donnera quelques exemples plus tard dans cet essai.

Nous sommes maintenant 120 années après Darwin, la connaissance du registre fossile s’est énormément accru. Nous avons maintenant 250.000 espèces de fossile mais la situation n'a pas beaucoup changé. Les registres de l'évolution sont toujours étonnamment saccadés et, ironiquement, nous avons même moins d’exemples de transitions évolutionnistes que nous en avions aux temps de Darwin. Je veux dire par là que certains des cas classiques de changement darwinien dans les registres fossiles, comme l'évolution du cheval en Amérique du Nord, ont dû être abandonnés ou modifiés suite à des informations plus détaillées - ce qui semblait être une progression simple quand relativement peu de données étaient disponibles semble maintenant être beaucoup plus complexe et bien moins graduel. Donc le problème de Darwin n'a pas été résolu ces 120 dernières années et nous avons toujours un registre fossile qui montre des changements, mais celui-ci ne peut raisonnablement pas être considéré comme la conséquence de la sélection naturelle. Aussi les extinctions principales comme ceux des dinosaures et des trilobites sont toujours très embarrassantes.

La comparaison des déclarations de Raup et de la citation partielle du livre Création dans la deuxième moitié de paragraphe 15 montre une nouvelle altération de ce que Raup a déclaré.

On a écrit à David Raup pour obtenir son avis sur la façon dont Création l’avait cité. Voici sa réponse :

Mes remerciements pour m’avoir envoyer les photocopies des tracts de la Watchtower citant mon article de 1979 tiré de Field Museum Bulletin.

La façon dont la Watchtower traite le sujet paraît assez impressionnant - seulement si vous ne n’apercevez pas la manipulation. L'élément problématique réside dans l'affirmation de la page 19, qui déclare :

"Si l'évolution était un fait, devrait y avoir sûrement suffisamment de preuves d'une espèce d'être vivant se développant en une autre espèce."

Si on se base sur cette déclaration,  le petit nombre de formes transitoires trouvé dans les registres fossiles est sûrement un problème et l’argumentation de la Watchtower est valable. Mais la déclaration citée ci-dessus est clairement fausse et la logique de la Watchtower aussi. L'argumentation de la Watchtower est basé sur la fausse supposition que l'évolution se produit assez lentement pour que les formes transitoires puissent être aperçue dans les registres  géologiques fortement fragmentés. Il est parfaitement possible (et probable) que l'évolution de nouvelles espèces arrive trop rapidement pour être aperçue dans les registres géologiques, des registres dont les taux de sédimentations sont trop lent pour permettre d’enregistrer les changements qui arrivent rapidement. Pour utiliser une analogie, il serait impossible de suivre une partie de football si nous avions seulement des photographies prises toutes les 30 minutes.

Pour resituer notre débat dans un contexte plus large, il est important de noter que les créationnistes ne raisonnent qu’à partir d’un modèle à seulement « deux solutions ». Ils affirment qu'il n’y a seulement que deux alternatives pour comprendre l'histoire de la vie : (1) l'histoire Biblique et (2) la formulation de Darwin du milieu du 19ème siècle. Et Darwin, avait bien sûr prévu que nous devions trouver tout un tas de fossiles faisant transitions. Nous ne les avons pas trouvés et les créationnistes en concluent que l'alternative Biblique doit, donc, être  correcte. Ce qui est tragique en cela c’est qu'ils ignorent toutes les autres idées sur le problème qui ont été proposées et évaluées depuis l’époque de Darwin. Il y a évidemment plus de deux "modèles" disponibles.

Dans un contexte encore plus large, ma déclaration de la fin de la page 22 tiré de l'article du Field Museum Bulletin est importante. J'y ai noté l'importance de distinguer "le fait" de l'évolution d’avec "l'explication" de l'évolution. Il y a tout un tas de preuves, complètement indépendantes des registres fossiles, qui montrent que les animaux ont changé tout au long des époques. Darwin essayait seulement d'expliquer la manière dont les changements avaient eu lieu. Darwin peut avoir complètement tort cela ne remettra pas en cause "le fait" de l'évolution. Comme Gould l’a écrit une fois, "les physiciens … se disputent à propos de la gravité mais les pommes continuent à tomber …" Autrement dit, nous pouvons accepter que quelque chose se soit produit sans que nous puissions être sûrs de la manière dont cela est arrivé.

Création a déformé les travaux de David Raup d'une autre façon encore. À la page 20, Création montre trois images d’animaux avec une croix rouge dessus, portant le titre tiré de l'article de Raup. Le titre complet a été cité ci-dessus. L'impression que cela donne c’est que Raup a parlé de ces animaux dans son article et les a écartés de la catégorie des exemples de fossiles transitoires. Mais comme le montre les citations ci-dessus , Raup n’a parlé que de l'évolution du cheval et encore seulement en Amérique du Nord. Il n'a pas parlé des deux autres animaux. Il y a évidemment beaucoup d'autres travaux d’autre auteurs, en fait, qui montrent comment la progression évolutionniste de ces trois animaux a en effet été modifiée, mais absolument pas abandonnée. La lettre de Raup fait d’ailleurs ces remarques sur cette déformation:

Je dois aussi noter que le titre sous les images de la page 20 de l’article de la Watchtower induit énormément en erreur. Bien que je sois cité dans le titre, je n'ai pas suggéré qu'Eohippus n'ait pas existé - parce que, bien sûr, il a existé. En plus, je n'ai pas parlé des transitions évolutionnistes chez les oiseaux ou lungfish, comme il est dit.

Avec toute les informations fournies dans cet article depuis le début, il est maintenant facile de voir comment les citations du paragraphe 15 à la page 20 servent à donner aux lecteurs une impression fausse. C'est un des rares endroits où Création mentionne honnêtement que la citation parle " d’un manque de témoignage fossile pour soutenir l'évolution graduelle." La plupart des autres références sont faites pour donner l’impression que les registres fossiles ne soutiennent pas du tout l'évolution, bien qu'ils parlent en fait de l'évolution graduelle opposée à l'évolution rapide, saccadée telle qu’on peut la trouver définie dans une théorie comme celle des équilibres ponctués. Mais la plupart des lecteurs ne semblent pas être assez sophistiqués pour le savoir pour les auteurs de Création, quand ce livre parle d'une théorie qui postule un changement graduel contre celle qui postule un changement saccadé, les auteurs substituent simplement au terme "graduel" le terme "évolution". La plupart des lecteurs supposeront que les scientifiques cités disent qu'il n'y a aucune preuve en faveur du « fait » qu’est l'évolution.

Cette méthode est clairement utilisée par Création, au paragraphe 16, quand il fait une substitution dans une citation de Steven Stanley paléontologiste : "les registres fossiles découverts ne sont pas et n'ont jamais été, en accord avec [l'évolution lente]." "L'évolution Lente" a été substituée "à gradualisme," pour que le sens de la phrase soit changée pour ressemblée à: "les registres fossiles ne sont pas en accord avec l'évolution (qui est un processus lent)."

Les paragraphes 17 à 20 décrivent la théorie "des équilibres ponctués," et comment elle a été attaqué. Notez que les citations des paragraphes 14 par 20 ont principalement comme objet les controverses sur la manière dont l’évolution est arrivée, pas si elle est arrivée. Spécifiquement, les controverses se concentrent sur les taux de changement entre les espèces. La sémantique a un poids certains ici car dans un débat sur l'évolution, un changement "soudain" peut correspondre à une période de 500,000 années.

Le paragraphe 21 développe l’idée qu'il n'y a aucun fossile intermédiaire liant les animaux ensemble et qu'il n'y existe aucun intermédiaire actuellement vivant dans le monde animal. C’est encore une façon d’induire en erreur, comme nous le considérerons plus tard. La sémantique est de nouveau importante ici, parce qu'il y a beaucoup de fossiles dont les structures physiques sont des intermédiaires avec d'autres, mais il ne peut pas être prouvé avec une certitude absolue qu'ils étaient des liaisons transitoires. Par exemple, un grand nombre d'intermédiaires ont été trouvés dans la famille de cheval, exigeant une refonte majeure de la façon dont on se figurait son évolution comme nous l’avons mentionné ci-dessus. Il y a tant d'intermédiaires que la classification est un réel problème pour  les paléontologistes.

Le paragraphe 23 tire du magazine populaire Harper, une citation de l'auteur Tom Bethell, qui affirme que la théorie de Darwin est sur le point de s'écrouler. L'impression donnée, comme d'habitude, est que cela se réfère à la notion entière de l'évolution, plutôt qu’à l'idée de Darwin sur son mécanisme. Il doit être noté que Tom Bethell n'est pas un scientifique, mais est un créationniste « en six jour de 24 heures », ceci permet de juger de la valeur de ses propos.

Le paragraphe 24 cite de nouveau le paranormaliste Françis Hitching: "les registres fossiles révèlent un modèle de sauts évolutionnistes plutôt qu’un changement graduel," ce qui semble vouloir dire dans la philosophie du livre Création que les registres fossiles ne montrent pas de changement évolutionnistes continus. C'est seulement en partie vrai, car  tandis qu'il y a relativement peu d'exemples de changement continu repérés, ils en existent, comme nous le verrons plus tard dans cet essai. Hitching déclare aussi que "les gènes sont un puissant mécanisme de stabilisation dont la fonction principale est d’empêcher de nouvelles formes de développement." C'est de nouveau en partie vrai seulement et Hitching a tort sur deux points. Les gènes exécutent une fonction de stabilisation, mais (1) leur but principal est de porter les caractéristiques héréditaires qui contrôlent le développement d'un organisme et (2) tandis que des capacités d’auto-réparation  sont incluses dans l'ADN, elles ne sont pas suffisantes pour empêcher l’apparition de mutations.

Dans le paragraphe 25, Hitching est de nouveau cité et il montre cette fois clairement son ignorance. Bien qu'il en sache plus qu’il en paraît dans cette citation, comme nous l’avons vu plus haut, il met  inconséquemment sur un pied d’égalité le Darwinisme avec l'évolution, déclarant que les scientifiques ont prétendu qu'il était "le grand principe unificateur de la biologie." Ils ont certainement déclaré cela "du fait" qu’est l'évolution, mais pas du mécanisme que Darwin a proposé. Hitching prend en faute la théorie de Darwin sur le fait qu’elle n’explique pas "la manière dont des produits chimiques sans vie sont devenus vivants, quelles règles qui se  cachent derrière le code génétique, comment les gènes génèrent la croissance des êtres vivants." Bien sûr il ne pouvait pas les expliquer, puisque la biologie moléculaire n’existait pas au 19ème siècle. Darwin n'a jamais essayé d'expliquer l'origine chimique de la vie, mais a simplement postulé l’origine de la vie par un créateur, comme la citation  du dessus l’a démontrée. Seulement des années après, quand les techniques de la chimie ont permis l'étude de la vie au niveau moléculaire, les scientifiques ont proposés une théorie de l'évolution qui a englobé la théorie de Darwin et a essayé de représenter l'origine chimique de la vie. Cette théorie est appelée le Néo-darwinisme. On n'a rien su du code génétique avant 1866, quand Gregor Mendel a publié ses travaux et même ce n’est qu’au début du siècle qu’ils sont devenus de notoriété publique. Néanmoins, Hitching a de nouveau tort, car  le code génétique a commencé à être déchiffré par Watson et Crick au début des années 1950, beaucoup de fonctions des gènes ont  pu être répertoriées et il y a même maintenant un grand projet de dresser la carte intégrale du code génétique de l’homme.

Le paragraphe 26 revient de nouveau sur sa volonté de mélanger "le fait" de l'évolution avec les mécanismes proposés pour cela. Il en conclut que les controverses sur les mécanismes de l’évolution sont bien plus que de simple "discussions sur des détails." Mais en fait, il y a très peu de scientifiques qui considèrent ces controverses comme rien plus que cela. La base principale  c’est que les registres fossiles montrent explicitement que les premières formes de vie étaient unicellulaires et que des formes plus compliquées sont progressivement apparues plus on a avancé dans le temps. Dans plusieurs cas, les registres fossiles montrent une fine succession évolutionniste continue. Création aurait dû consacrer un peu de son temps à parler de ce genre de choses bien établies, plutôt qu’à nier leur existence.  
 

Le reste du livre Création ne fait pas mieux en ce qui concerne de montrer comment les évolutionnistes perçoivent la théorie de l’évolution. Dans le paragraphe 5 de la page 143 Création cite un article tiré de Scientific American [17] et écrit par le zoologiste Richard Lewontin, un célèbre théoricien de l’évolution. Il est supposé qu'il a " déclaré que les organismes ' semblent avoir été soigneusement et a astucieusement conçu. ' Il les considère comme ' la preuve majeure d'un Suprême Concepteur. '"

La question en bas de page se rapportant à ce paragraphe déclare : "Qu’a reconnu un zoologiste sur la conception et à son créateur ?" Maintenant, donnons l’exemple d’une réponse typique qui pourrait être donnée  à une étude de livre, réunion des Témoins de Jéhovah : "Eh bien, comme le démontre le paragraphe, Richard Lewontin voit dans la conception des organismes la preuve de leur création."

Une étude de l'article du Scientific American montre que Lewontin n’a pas véritablement déclaré ce que le livre Création prétend. Quand Lewontin déclare ce qui est rapporté au-dessus il ne se rapporte pas en fait, à son propre point de vue, mais au point de vue général qu’avaient les scientifiques du 19ème siècle sur la nature. Après la description de ce qui avait été la vue générale sur la manière dont les grandes variétés de formes de vie sont arrivées ici et rapportant que Darwin avait essayé de prendre en compte tant leurs"diversités que leur aptitudes," Lewontin a déclaré :

Les formes de vie sont bien plus que simplement multiples et diverses. Les organismes sont remarquablement adaptés au monde externe dans lequel ils vivent. Ils ont des morphologies, des physiologies et des comportements qui semblent avoir été soigneusement et astucieusement conçu pour permettre à chaque organisme de s'approprier le monde autour de lui pour sa propre vie.

L’argument de Lewontin consistait en ce que les organismes apparaissent seulement ou semblent avoir été soigneusement conçu. En se référant clairement à la vision des scientifiques du 19ème siècle, il a déclaré :

C'était la merveilleuse adaptation  des organismes à l'environnement, beaucoup plus que la grande diversité des formes de vie, qui étaient la preuve majeure d’un Concepteur Suprême. Darwin s'est rendu compte que si une théorie de l'évolution naturaliste devait être couronnée de succès, elle devait expliquer la perfection apparente des organismes vivants et non simplement leur variation. [Italiques rajoutées par l’auteur]

Le reste de l'article montre que Lewontin considère le point de vue de la citation de Création comme étant faux et qu'il a été corrigé par le travail de Darwin et ses successeurs du 20ème siècle. En fait, l'article est consacré entièrement à la démonstration du fait que l’on peut expliquer l'adaptation d'un organisme  vivant à son environnement par un mécanisme naturel et non surnaturel. Le résumé donné pour l'article est tout à fait clair : "l’adaptation manifeste des organismes vivants avec leur environnement est le principal résultat de l'évolution."

Cette déformation complète d’une citation d’un scientifique est semblable à ce que Création a déjà fait avec une citation du magazine de Popular Science - voir ci-dessous. Lewontin s'est plaint de cette pratique :

En partie en raison d’une confusion honnête, mais aussi en partie par une tentative consciente de tromper d'autres personnes, les créationnistes mélangent les débats sur la théorie de l’évolution avec l’acceptation du « fait » qu’est l’évolution pour prétendre que même les scientifiques remettent l'évolution en question. En mélangeant nos connaissances sur ce qui s’est produit durant l'évolution avec nos doutes sur la manière dont cela s’est produit et en regroupant tout cela sous la simple bannière de "la théorie de l'évolution,"  les créationnistes espèrent défier l'évolution avec les propres paroles des évolutionnistes. Parfois certains créationnistes plongent plus profondément dans la malhonnêteté en prenant des déclarations d'évolutionnistes hors de leur contexte pour leur faire dire l'opposé de ce à quoi elles étaient destinées. Par exemple, quand, dans un article sur l'adaptation, j'ai décrit les croyances démodées du dix-neuvième siècle sur la perfection de la création comme étant la meilleure preuve d’un créateur, cette description a été reprise dans la littérature créationniste comme la preuve de mon propre rejet de l'évolution. Un usage si délibérément tordu de la littérature de la biologie évolutionniste et le subterfuge transparent de faire passer le mythe de la création de l'Ancien Testament comme étant de "la science" créationniste plutôt que la croyance d'une religion particulière, a convaincu la plupart des évolutionnistes que le créationnisme n’est rien d’autre qu'une tentative de supprimer la vérité dans le but de soutenir une institution fautive. Mais une telle vision du problème simplifie beaucoup trop la situation et manque de considérer les racines sociales et politiques profondes du créationnisme. [18]

Lewontin s'est aussi plaint de la pratique de citer inexactement des scientifiques, dans le magazine Création/Évolution, d’automne 1981, à la page 35 :

Les expressions modernes du créationnisme et du prétendu créationnisme "scientifique" utilisent d’une manière vaste la tactique des citations sélectives pour faire apparaître que de nombreux biologistes doutent de la réalité de l'évolution. Les créationnistes profitent du fait que la biologie évolutionniste est une science vivante provoquant des désaccords sur certains détails du processus évolutionniste pour tirer des citations sur de tels détails hors du contexte dans une tentative de soutenir leur position anti-évolutionniste. Parfois ils prennent simplement les descriptions que les biologistes font du créationnisme pour l’attribuer ensuite aux biologistes eux-mêmes! Ces pratiques clairement malhonnêtes de citations inexactes nous donnent le droit de nous questionner sur la sincérité même des créationnistes.

Il est une chose de citer et de décrire des points de vue opposés. Il est autre chose  d’attribuer à plusieurs reprises des points de vues opposées à celui d’un auteur ou d’une publication qui les décrit simplement, particulièrement quand il est évident que la description a pour but de rejeter ce point de vue.

Pour en finir avec ce problème, il est probable que Création ait tiré sa fausse déclaration de Lewontin plutôt par une étude rapide que par malhonnêteté. Apparemment l'auteur était trop paresseux pour faire ses propres recherches, il n'aurait pas pu altérer la citation de si mauvaise façon. La déclaration de Lewontin a été apparemment tirée du livre du paranormaliste Françis Hitching le Cou de la Girafe, à la page 84 (page 65 livre broché). La citation de Lewontin par Hitching est identique à celle de Création, alors queson livre a été publié en 1982, tandis que Création a été publiée en 1985. Hitching a apparemment à son tour tiré cela de la publication créationniste Impact, No 88, d’octobre 1980, de l'article "Création, Choix et Variation" par Gary E. Parker, créationniste bien connu. À la page 2 Parker a écrit :

Comme Richard Lewontin de Harvard l’a récemment récapitulé, les organismes vivants"… semblent avoir été soigneusement et astucieusement conçus." Il a déclaré que "la perfection des organismes" est un défi au Darwinisme et, dans une note plus positive, "la preuve majeure d'un Suprême Concepteur."

Voir le magazine Création/Évolution, Automne 1981, pages 35-44 pour plus de détails. 

En 1993, à une Conférence Internationale sur la Création où Parker était un des orateurs principaux, après un de ses discours, on s'est approché de lui pour l’interroger sur sa citation inexacte. Il a déclaré n'avoir pas vraiment cité inexactement Lewontin - au moins que ce n'était pas dans son intention quand il a écrit l'article d'Impact - mais il était incapable de donner une explication. Il a apparu quelque peu embarrassé par la question.

Françis Hitching a aussi repris des arguments des créationnistes sans leur attribuer (voir ci-dessus). Impact est une publication mensuelle de l'Institut pour la Recherche sur la Création (ICR) de El-Cajon en Californie. L'institut est une organisation créationniste "en six jours de 24 heures" , et en plus trinitaire, qui serait d'habitude condamnée par les publications de la Société Watchtower. Une fois, à la page 180, dans la note en bas de  page 3, Création a tiré ses informations directement d'Impact. Lors de l’argumentation que beaucoup d'évolutionnistes utilisent "le poids de leur autorité" scientifiques pour obliger les gens à croire en l'évolution, Création a déclaré :

Un exemple typique des moyens qui intimident souvent les profanes est cette affirmation de Richard Dawkins : "la théorie de Darwin est maintenant soutenue par toute les preuves disponibles et sa véracité ne peut être mise en doute par aucun biologiste moderne sérieux." Mais est-ce que c'est en réalité le cas ? Pas du tout. Une petite recherche révélera que beaucoup de scientifiques, y compris ' des biologistes modernes sérieux, ' doutent non seulement de l'évolution, mais n’y croient pas.3 Ils croient que les preuves en faveur de la création sont beaucoup, beaucoup plus fortes.

Lors de la vérification de la note en bas de page 3 nous constatons qu'elle se réfère à Impact, de septembre 1981, p. ii., qui contient un article de Henry M. Morris se plaignant du traitement qu'Isaac Asimov fait du créationnisme "en six jour de 24 heures". Il déclare :

"Le prophète Isaac" ne mentionne jamais le fait que la plupart des grands pères fondateurs de la science moderne (par exemple, Newton, Pascal, Kelvin, Faraday, Galilée, Kepler, etc) étaient des créationnistes théistes, ni le fait que des milliers de scientifiques entièrement qualifiés ont aujourd'hui désavoués l'endoctrinement évolutionnistes qu’ils ont subit à l’école en faveur des preuves scientifiques beaucoup plus fortes en faveur de la création.

Donc Création utilise ce qui est essentiellement un magazine religieux trinitaire pour prouver son argument. Il doit être noté que Impact n'a pas mentionné de preuves à la revendication dont le livre Création se réclame. À la page iv, cependant, il continue :

Asimov accuse de manière arrogante que les scientifiques créationnistes "n'ont pas laissés de traces en tant que scientifiques." Le fait est qu'une comparaison d’une section des rapports scientifiques des personnels de l'ICR, par exemple, ou de la Société de Recherche sur la Création, d’avec ceux des universités les plus séculaires, y compris celle d’Asimov serait tout à fait favorable.

Cette déclaration est fortement erronée. Beaucoup de chercheurs ont constaté que peu de scientifiques créationnsites ont fait un quelconque travail scientifique sérieux après s’être associés "au créationnisme scientifique." Un contrôle des prétendus "scientifiques créationnistes" montre que beaucoup d'entre eux ont des diplômes venant ' d’usines à diplôme ou d'organisations comme l'ICR. Ils s’absorbent souvent, comme le physicien Robert Gentry, a essayé de prouver que la terre a seulement six mille années. Nous le rencontrerons plus tard dans cet essai. Des organisations comme l'Institut pour la Recherche sur la Création déforment souvent les lettres de créance de son personnel "scientifiques" pour leur donner plus de crédits qu'ils n’en ont vraiment . Dans la réalité, il y a extrêmement peu de scientifiques ou de biologistes sérieux qui ne "croient pas en l’évolution." Donc la dernière déclaration du livre Création n'est pas vraie et se base sur une déclaration de membres en vue "de la Chrétienté", qui est connue pour déformer les lettres de créance de son personnel.

Il y a bien trop d'informations sur les capacités scientifiques des créationnistes pour en parler ici, mais il est clair que les références du livre Création sont simplement des appels à l'autorité plutôt qu’à la preuve - une autorité que la Société Watchtower rejette normalement.

L’article ci-dessus montre que beaucoup des arguments du livre Création sont tirés de Françis Hitching ou des créationnistes "en six jour de 24 heures" sans leur attribuer. Beaucoup des arguments de Hitching sont certainement venus directement des créationnistes "en six jours de 24 heures" , que Création a emprunté à son tour. Combien de Témoins de Jéhovah sont conscients de cela ?


Notes en bas de Page

[1] La Société a eu pour habitude de promouvoir la théorie d'Isaac Vail sur le Déluge. Voir la Tour de Garde du 1 décembre 1912  p. 372 (p. 5140 Réimpression); création, 1927, pp. 25-30; la Vérité Vous rendra libre, 1943, pp. 57-62. Elle a été mentionné jusqu'au milieu des années 1950. (anglais)

[2] Life-How Did It Get Here? By Evolution or by Creation?, Watchtower Bible and Tract Society of New York, Inc., Brooklyn, NY, 1985.

[3] Critical reviews are in the journals Creation/Evolution Vol. 12 (No. 1, Summer 1992): 29-34 and Free Inquiry Vol. 12 (No. 2, Spring 1992): 28-31.

[4] Ashley Montagu, ed., Science and Creationism, p. 345, Oxford University Press, New York, 1984.

[5] Creation/Evolution, vol. 12, No. 1, p. 30, 33, National Center for Science Education, Berkeley, California, Summer, 1992.

[6] Charles Darwin, The Origin of Species, pp. 373-374, 1859.

[7] Introduction by W. R. Thompson, The Origin of Species, p. xxii, 1956 edition.

[8] James Gorman, "The Tortoise or the Hare?," Discover, p. 88, October, 1980.

[9] A later edition of Creation amended the last sentence to "there is growing dissent from the prevailing view of Darwinism."

[10] Francis Hitching, The Neck of the Giraffe, p. 12 (p. 4, paperback), Ticknor & Fields, New Haven, Connecticut, 1982.

[11] ibid.

[12] Creation/Evolution Newsletter, 7, No. 5, pp. 15-16, September/October 1987.

[13] Robert Jastrow, The Enchanted Loom: Mind in the Universe, pp. 97-101, Simon and Schuster, New York, 1981.

[14] Charles Darwin, op cit, p. 133.

[15] David M. Raup, "Conflicts Between Darwin and Paleontology," Field Museum of Natural History Bulletin, pp. 22-3, Chicago, January 1979.

[16] ibid, p. 23, 25.

[17] Richard Lewontin, "Adaptation," Scientific American, p. 213, New York, September, 1978.

[18] Laurie R. Godfrey, Scientists Confront Creationism, p. xxiv, W. W. Norton & Company, New York, 1983.

 


 

Tiré de http://www.geocities.com/osarsif/ce01.htm